Le 22 mars 2012 parait au Journal officiel le décret n° 2012-385 du 21 mars 2012 relatif à la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux. Ci-après « la Commission… »
Concomitamment est publié « Les hydrocarbures de roche-mère en France »
Rapport initial et Rapport complémentaire suite à la loi du 13 juillet 2011 créant la Commission…
La ficelle est énorme car la lettre de mission des Conseils généraux de l’IET et de l’EDD, du 4 février 2011 ne demandait qu’un « …éclairage conjoint sur les enjeux du développement potentiel de ces éventuelles ressources (« non conventionnelles » de gaz et huiles de schiste -nda), sur l’encadrement environnemental approprié à cet éventuel développement et sur les actions prioritaires à conduire… un rapport d’étape avant le 15 avril 2011 et le rapport final avant le 31 mai 2011. »
La mention de la Commission… certes créée postérieurement le 13 juillet 2011, n’entre pas dans le cadre initial de cette mission !
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20110204.L.MissionNKM-EB.CGEDD-CGIET
Texte intégral :
Article 1
La Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux est consultée, par les ministres chargés des mines, de l’industrie, de l’énergie, de l’écologie et du développement durable, sur :
― les conditions de mise en œuvre de tout projet d’expérimentation de la fracturation hydraulique ou d’une technique alternative visant à extraire les hydrocarbures présents dans des roches très peu perméables, réalisées aux seules fins de recherche scientifique et sous contrôle public ;
― tout projet de texte réglementaire visant à maîtriser les risques et à protéger l’environnement lors de l’expérimentation de nouvelles techniques d’exploitation des hydrocarbures présents dans des roches très peu perméables ;
― le projet de rapport prévu à l’article 4 de la loi du 13 juillet 2011 susvisée.
La commission peut également être consultée sur tout programme d’étude ou de recherche relatif :
― à l’impact des techniques de fracturation hydraulique ou des techniques alternatives ;
― au bilan économique, environnemental, énergétique ou climatique d’une éventuelle exploitation des gaz et huiles de schiste,
ainsi que sur tout résultat de ces études ou recherches.
Les avis de la commission sont rendus publics.
La commission peut proposer aux ministres chargés des mines, de l’industrie, de l’énergie, de l’écologie et du développement durable d’examiner toute question relative à l’exploration et à l’exploitation des hydrocarbures présents dans des roches très peu perméables.
Article 2
La commission comprend :
1° Cinq membres de droit, représentants de l’Etat :
a) Le directeur général de l’énergie et du climat ;
b) Le directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature ;
c) Le directeur général de la prévention des risques ;
d) Le directeur général de la compétitivité, de l’industrie et des services ;
e) Le directeur général du Trésor ;
2° Un député et un sénateur ;
3° Trois représentants des collectivités territoriales :
a) Un représentant des communes ou groupements de communes désigné par l’Association des maires de France ;
b) Un représentant des conseils généraux désigné par l’Assemblée des présidents des conseils généraux de France ;
c) Un représentant des conseils régionaux désigné par l’Association des présidents de conseils régionaux ;
4° Douze membres nommés par arrêté des ministres chargés des mines, de l’industrie, de l’énergie, de l’écologie et du développement durable pour une durée de trois ans :
a) Trois représentants d’associations agréées pour la protection de l’environnement ;
b) Trois représentants des entreprises des secteurs gazier et pétrolier ;
c) Trois représentants du personnel des industries gazière et pétrolière, désignés sur proposition des organisations syndicales les plus représentatives de ce personnel ;
d) Trois personnalités désignées en raison de leurs compétences scientifiques dans les domaines concernés par le développement des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux.
Article 3
Douze suppléants sont désignés dans les mêmes conditions que les membres titulaires mentionnés au 4° de l’article 2. Ils remplacent ces derniers en cas d’absence ou d’empêchement.
Ils leur succèdent s’il se produit une vacance en cours de mandat, pour la durée du mandat restant à courir.
Les ministres chargés des mines, de l’industrie, de l’énergie, de l’écologie et du développement durable nomment par arrêté le président de la commission et un vice-président chargé de le suppléer parmi les membres mentionnés à l’article 2.
Le vice-président du Conseil général de l’environnement et du développement durable, le commissaire général au développement durable, le vice-président du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies, le président d’IFP Energies nouvelles, le président du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et le président de l’Institut national de l’environnement industriel (INERIS) peuvent assister aux réunions de la commission, avec voie consultative. Ils peuvent se faire représenter en notifiant par écrit le nom de leur représentant.
Article 4
La commission se réunit sur convocation de son président au moins deux fois par an.
Sur proposition de son président, elle adopte son règlement intérieur, qui est soumis à l’approbation des ministres chargés des mines, de l’industrie, de l’énergie, de l’écologie et du développement durable.
Article 5
Le secrétariat de la commission est assuré par le directeur général de l’énergie et du climat.
Les frais de fonctionnement sont pris en charge par les ministères chargés des mines, de l’industrie, de l’énergie, de l’écologie et du développement durable.
Article 6
Les membres de la commission exercent leurs fonctions à titre gratuit.
Toutefois, leurs frais de transport et de séjour peuvent être remboursés dans les conditions prévues par la réglementation applicable aux personnels civils de l’Etat.
Article 7 En savoir plus sur cet article…
Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait le 21 mars 2012.
Mais la campagne présidentielle de 2012 est lancée, le sujet est sensible et le dernier Gouvernement Fillon ne met pas en œuvre les nominations de cette commission.
Puis en juillet 2012 l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie, ANCRE, publie le rapport Programme de recherche sur l’exploitation des hydrocarbures de roches mères, présentation :
« …En réponse à la demande des Ministères tutelles de l’ANCRE (MESR et MEDDTL) lors du débat parlementaire de 2011 sur la loi relative au gaz de schiste, l’alliance ANCRE a sollicité le 7 juillet 2011 les experts de son groupe programmatique « Énergies Fossiles et Géothermique, Métaux Critiques » afin de conduire une instruction sur le volet « recherche » de la question de l’exploitation des huiles et gaz de roches mères.
Le présent rapport apporte un éclairage sur les dimensions techniques et technologiques associées, sur les verrous scientifiques et les propositions de programmes scientifiques à mettre en place pour éventuellement les lever.
Le choix a été fait d’articuler les propositions de programmes de recherche avec la mise en œuvre d’un ou plusieurs sites expérimentaux où est envisagée l’existence d’huiles ou de gaz de roches mères, à finalité scientifique exclusivement, tel que le prévoit la loi du 13 juillet 2011 et de travailler en synergie avec la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux créée par cette même loi… »
Le message est clair les têtes pensantes productivistes de l’ifpEN, du CNRS, du BRGM, etc. sont prêtes !
Dans le courant de l’été le Premier ministre Jean-Marc Ayrault s’adresse par écrit aux Présidents du Parlement leur demandant de nommer un député et un sénateur. Ce seront le député du Gard 2012-2017, Philippe Verdier et le sénateur 1998-2014, de l’Ardèche Philippe Teston. La non réélection de ces deux parlementaires vide à ce jour la Commission… de son embryon d’existence.
Le 13 septembre 2012 la ministre de l’Écologie… Delphine Batho à la veille de la Conférence environnementale des 14 et 15, où le Président allait annoncer le rejet de 7 demandes de permis, annonce au micro d’RTL « …elle n’est pas nommée cette commission, ce n’est pas prévu immédiatement… ».
Le 19 octobre 2012 une proposition de résolution n°304, tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’exploitation en France des hydrocarbures de « roche-mère » dits hydrocarbures de « schiste », est déposée à l’Assemblée nationale, tendant à mettre en œuvre cette Commission… elle ne donnera rien. Depuis de temps à autre un parlementaire hoquette que cette commission n’est pas nommée…
Le 23 juin 2015 le Premier ministre Manuel Vals saisit, dans le cadre de la simplification des textes, le Conseil Constitutionnel, CC, d’une demande sur la nature juridique de plusieurs dispositions législatives dont celle de l’article 2 de la loi du 13 juillet 2011. La volonté est de supprimer la Commission… par voie réglementaire ; décret, car l’exécutif ne dispose alors plus de majorité parlementaire pour ce type de texte et qu’un débat déclencherait certainement l’émoi de la population…
La réponse du CC dans sa décision n° 2015-256 L du 21 juillet 2015, indique que seul le dernier alinéa de l’article 2 relève du caractère réglementaire et que donc la suppression de cet article 2 doit passer par le processus législatif.
Extrait de la décision du CC :
« …En ce qui concerne la commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux :
12. Considérant que le premier alinéa de l’article 2 de la loi du 13 juillet 2011 susvisée crée une commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux ; que les deuxième et troisième alinéas de l’article 2 chargent cette commission d’évaluer les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique ou aux techniques alternatives ainsi que d’émettre un avis public sur les conditions de mise en œuvre des expérimentations prévues à l’article 4 de la loi du 13 juillet 2011 ; que le dernier alinéa de l’article 2 précise les catégories de personnes composant cette commission et renvoie à un décret en Conseil d’État sa composition, ses missions et ses modalités de fonctionnement ;
13. Considérant qu’aux termes de l’article 7 de la Charte de l’environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » ; que la détermination des modalités de la mise en œuvre de ces dispositions incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives ;
14. Considérant que les dispositions des trois premiers alinéas de l’article 2 de la loi du 13 juillet 2011, qui instituent un organisme chargé d’assurer une information publique relative aux techniques de fracturation hydraulique et aux techniques alternatives ainsi qu’aux expérimentations en matière d’exploration et d’exploitation du sous-sol en matière d’hydrocarbures liquides et gazeux, mettent en cause le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi en vertu de l’article 7 de la Charte de l’environnement, d’accéder aux informations relatives à l’environnement ; que, dès lors, ces dispositions ont le caractère législatif ;
15. Considérant que les dispositions du dernier alinéa de l’article 2 de la loi du 13 juillet 2011, qui sont relatives à la composition de la commission, ne mettent en cause ni les principes fondamentaux de la préservation de l’environnement, ni le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi en vertu de l’article 7 de la Charte de l’environnement, d’accéder aux informations relatives à l’environnement ou de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, ni aucun autre principe ou règle que la Constitution place dans le domaine de la loi ; que, dès lors, ces dispositions ont le caractère réglementaire… »
Matignon n’ira pas plus loin
En septembre 2016, le Centre des hydrocarbures non conventionnels (CHNC) a publié «Pétrole et gaz de schiste : Méthodologie d’évaluation des ressources potentielles de pétrole et de gaz de schiste en France.»
«La Commission» est mentionnée pages 18 à 20 du .pdf en lien ci-dessus. L’opportunité de cette parution dans la campagne des présidentielles 2017 après le revirement en septembre 2014 de l’ancien président Nicolas Sarkozy sur le sujet est évidente. Rappelons que le 14 octobre 2014 des députés UMP présentent une proposition de loi constitutionnelle relative à la «Recherche : instauration d’un principe d’innovation responsable». Après avis défavorables le 25 novembre des commissions des affaires économique et du développement durable, la commission des lois rejette cette proposition le 26 novembre… Le but de « La Commission » étant la recherche sur la technique de fracturation, les liens sont évidents !
Mais comme en 2012, l’Élysée à accueilli le 14 mai 2017 un autre locataire… qui a pour l’instant choisi une autre voie.
La Commission… en restera là à ce jour !
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