Nous ne traitons pas ici de la fracturation hydrochimique, partie des techniques de récupération avancée des hydrocarbures, in abstracto mais sous l’angle évident de ses impacts négatifs dans le contexte de la post deuxième révolution industrielle. Et plus globalement sous l’affirmation de l’objective responsabilité anthropique de l’actuel dérèglement climatique dont les conséquences provoquent déjà des effets difficiles à concilier avec la doxa libérale consumériste.
Nous n’employons pas le terme de troisième révolution industrielle car fort pertinemment utilisé par Jérémy Rifkin. Néanmoins notre propos caractérise la fuite en avant vers la recherche et l’exploitation de sources d’énergies «extrêmes». L’utilisation de ces énergies de par leur démesure et de leurs impacts négatifs quasi irréversibles sur la biosphère les disqualifie sur le moyen et long terme. Hélas leurs promoteurs en tirent des profits immédiats au détriment du plus grand nombre.
Sommaire
1. Illustrations
2. La récupération avancée des hydrocarbures
3. Avant et (très longtemps…) après la fracturation…
4. Ressources sur la technique et ses impacts délétères
© Tyndall centre 2011
© ? Wyoming, USA
© ? Pennsylvanie ; différentes installations pérennes autour des forages.
© ? Pennsylvanie ; différentes installations pérennes autour des forages.
A droite ; 3 puits, 1 unité de traitement des gaz, 1 station de compression © Marcellus Air
Plus d’images sur West Virginia Sierra Club et les liens du site
2. La récupération avancée des hydrocarbures
La fracturation hydrochimique n’est qu’un procédé parmi d’autres de récupération avancée du pétrole et/ou du gaz. En effet la profession pétrolière classe les techniques d’extraction des hydrocarbures en trois catégories :
La récupération simple qui exploite la pression naturelle du gisement par pompage mécanique.
La récupération assistée qui augmente artificiellement la pression du gisement par des injections de fluides principalement gaz carbonique (CO2) et azote (N).
La récupération avancée qui se compose de diverses techniques d’acidification, principalement de l’acide chlorhydrique (H3OCL) mais aussi de l’acide fluorhydrique (HF), de lessivage (eau additionnée de détergents), de chauffage (injection de vapeur d’eau) voire de brûlage in situ d’une partie de la ressource afin d’en récupérer une autre, ainsi que d’augmentation mécanique de la porosité et de la perméabilité de la roche accompagnée de procédés bio-chimiques (polymères, surfactants, tensio-actifs, etc.) de désorption, autrement dit la fracturation hydrochimique !
Les progrès dans l’identification des réserves d’hydrocarbures ont fait reculer depuis le début du 21ème siècle, la notion de pic pétrolier annoncé pour 1970 (Peak oil, théorisé par King Hubbert en 1956). Ce pic a été douloureusement constaté par la conjonction de l’épuisement de ressources primaires ainsi que la création de l’OPEP et ses premières décisions en 1973 ; le premier « choc » pétrolier.
Mais la nature même de ces nouvelles réserves a fait surgir celle de pic capacité. En effet si les avancées dans la sismique vibration, la modélisation des bassins sédimentaires et l’imagerie satellitaire dans différents spectres (visible, UV, infrarouge et radar) ont permis de pointer de nouvelles perspectives pour de potentiels hydrocarbures.
Ces derniers se trouvent sous des formes (huiles -extra-lourdes, gaz acides, hydrates de méthane, roches-mères) et se situent sous des latitudes et à des profondeurs océaniques, ou entrent en conflit de localisation et d’usage avec d’autres activités anthropiques, telles que les procédés d’exploration et d’exploitation sont déjà pour certains extrêmement invasifs et donc désastreux, mais surtout pour d’autres conduiraient compte-tenu du cours commercial de la ressource, à un taux de retour énergétique (très) négatif.
C’est déjà le cas pour les sables bitumineux albertains au Canada, le pétrole de schiste du Dakota du Nord et des gaz de schiste partout ailleurs qui ne tiennent que par la négligence totale du respect de l’environnement, ainsi que des huiles lourdes du bassin de l’Orénoque au Venezuela qui nécessitent des procédés d’extraction et de transformation à la limite actuelle des cours.
Mais au-delà de la technique dont les risques pourraient être limités au détriment de la rentabilité… se trouve l’environnement du procédé et ses suites. Comme tout, l’acte pris isolément n’a souvent que peu de valeur mais ses conséquences toujours des effets à court, moyens et (très) long terme parfois dévastateurs. Effet papillon ?
3. Avant et (très longtemps…) après la fracturation…
La fracturation hydrochimique en tant qu’unique procédé central de l’exploration et de l’exploitation des pétrole et gaz de schiste et de couche, n’est qu’un aspect des multiples opérations invasives indispensables pour mener à bien ces activités. En amont et surtout en aval se trouvent bien d’autres aspects incontournables dont la somme montre la démesure de ces projets, surtout sur des territoires où des équilibres sociaux-professionnels préexistent.
Toujours plus d’énergie, pour quoi faire ?
Ci-après un bref résumé de ces principaux aspects, sous la forme de… quid… ?
- De l’invasion des propriétés privées et de l’espace public par les campagnes de sismique vibration préalables aux choix des emplacements de forage ?
- Des nuisances sonores, visuelles, olfactives et surtout sanitaires, causées aux riverains et aux activités commerciales basées sur la qualité des sols et sous-sols, de l’eau, de l’air, par ces opérations ainsi que des forages, opérations de fracturation, d’équipements et de complétion des plateformes ? Ces activités commerciales sont principalement agricoles, d’élevage équestre et touristiques. Les brasseurs allemands ont repoussé les projets d’exploration par fracturation pour préserver leurs bières !
- De l’indispensable désorption de la quantité de pétrole ou de gaz chimiquement liée au réservoir et à la roche mère ? En effet quelle que soit l’éventuelle technique «propre», la rentabilité du processus industriel passe par l’essorage de l’hydrocarbure et donc l’emploi de surfactants ainsi que de bactéries. Que vont devenir ces dangereux détergents et micro-organismes ?
Voir :
– «Solutions de récupération assistée par agents bio-chimiques de réservoirs matures ou compacts» (traduction GV) in increasing recovery in depleted fields, The EOR alliance*, en anglais, non daté.
– Produire plus avec la récupération assistée, ifpEN, non daté
– Récupération assistée du pétrole et gestion du cycle de l’eau, ifpEN, non daté
* : «créée en 2010 par trois entreprises leaders dans leurs domaines respectifs (IFP Energies nouvelles, Solvay et Beicip-Franlab), rassemble l’expertise de tout premier plan en matière de récupération assistée du pétrole (EOR/Enhanced Oil Recovery), garantissant la maîtrise de toutes les technologies du secteur, des procédés chimiques ou gaz au procédé thermique.».
– Récupération assistée d’hydrocarbures, conventionnels ou non, par injection de CO2, Daniel Broseta, Laboratoire des Fluides Complexes et leurs Réservoirs (LFCR*) université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA), 9 juillet 2013.
* unité mixte de recherche (UMR) à statut « industrielle » avec l’entreprise TOTAL comme tutelle en plus du CNRS et de l’UPPA.
- De la migration de nouvelles espèces d’éléments chimiques formées dans le sous-sol profond, véritable four où se produisent lors des fracturations, des réactions atomiques (pression lithostatique + température). Que deviennent ces radionucléides et métaux lourds présents dans les effluents de fracturation en surface ?
Voir :
– Gaz de schiste: et en plus, c’est radioactif ! LJDLE, Valéry Laramée de Tannenberg, 28 février 2011.
– Le rapport du Pr Picot, à notre page Études scientifiques.
- Du devenir des effluents de fracturation qui ne peuvent en l’état être traités par les unités d’épuration des collectivités, dimensionnées pour des rejets domestiques ?
Sur ce sujet les communications des entreprises spécialisées sont des mensonges éhontés. En effet la finalité du gaz de schiste est le profit ! Tout ajout d’externalité réduisant les marges commerciales sera irrémédiablement contourné. Les tristes exemples de l’Amérique du Nord sont parlants : déversement sauvage dans les rivières, le long des routes ou encore au Québec, livraison à certaines stations d’épuration pour dilution jusqu’à atteindre plus ou moins les taux réglementaires. De l’eau consommée, encore de l’eau…
- Du trafic routier indispensable au transport de ce barnum industriel à travers le pays ? Qui payera l’aménagement et l’entretien de la voirie française ? Qui interviendra sur les inévitables accidents de la circulation ; les statistiques parlent d’elles même !
- Des conditions de résidence des équipes d’aménagement des plateforme, de forage, de fracturation, de complétion ainsi que leurs rapports avec les populations locales ?
Voir l’étude du Groupe canadien Shepell ; Le stress professionnel et la santé dans l’industrie pétrolière et gazière, juin 2008
- Du mitage des paysages pour des décennies, de la première destination touristique mondiale et ce depuis des années ? No comment, les images parlent d’elles-même !
- De la dépréciation des biens immobiliers et patrimoniaux, dont la valeur est évaluée aussi sur leur localisation dans un territoire préservé ?
- Du réseau de gazoducs nécessaire pour acheminer le méthane et d’oléoducs pour le pétrole ? De leurs stations de compression tous les 150 km, des fuites automatiques de méthane par les valves de régulation de pression en fonction des conditions météorologiques ? Des explosions de ces unités industrielles potentiellement dangereuses_?
- Des stations de traitement des gaz extraits ; une pour 3 à 4 pads d’extraction. Stations qui évacuent les condensats sous-produits ; éthane, éthylène, etc. par citernage avec les risques industriels routiers que cela comporte ?
La présence de ces condensats dont l’industrie pétrochimique est friande, est un plus non négligeable à la rentabilité.
- Mais quid de l’hypothétique présence même de ces gaz légers en France. Lesquels s’ils sont présents en proportions notables dans certains gisements étasuniens ; Uttica, Marcellus et Barnett, ne le sont pas partout en fonction de l’origine et de l’évolution de la matière organique enfouie !
- Enfin des inévitables fuites annulaires sur le long terme car aucun cuvelage, aucune cimentation ne tient après avoir subi des pressions de plusieurs centaines de bars pendant plusieurs heures ? Surtout que la gestion de ces installations reviendra en l’état actuel de la législation, à l’État français… voir Textes législatifs et réglementaires, 8. L’après-mine.
Voir les travaux du Dr-Ing en retraite Marc Durand de l’UQAM, fuites1, fuites2 et fuites3. Et aussi ceux du Pr de génie civil Anthony Ingraffea de l’université de Cornell, présentés dans «Gaz de schiste et fracturation hydraulique : multiplication des fuites de méthane», Stop GdS Rhône-Alpes Nord, 2 juillet 2014
- De l’impact de toutes ces activités industrielles sur le dérèglement climatique ?
4. Ressources sur la technique et ses impacts délétères
Ci-après quelques liens, la liste complète est bien trop longue… vers des articles de nos camarades, de médias ou de scientifiques, plus ou moins chronologiquement :
Qu’est-ce que la fracturation hydraulique ? ifpEN, non daté, la voix officielle !
Les Hydrocarbures et roche-mère Etat des lieux, Roland Vially, ifpEN 23 avril 2013
Une autre version, plus complète, de la voix officielle !
Shale gas: an updated assessment of environmental and climate change impacts, Tyndall Centre, 2011 en anglais, des pages et illustrations très complètes sur les techniques.
La technique de fracturation hydraulique, Sciences-po, controverses, 2011
Dans ce document deux liens vers des vidéos professionnelles d’un des spécialistes étasunien de la fracturation ; Chesapeake, sur la fracturation hydraulique, et sur le forage horizontal, elles ont été… retirées du diffuseur YT !
Gaz de schiste dans le sud de la France
Questions géologiques, hydrologiques et environnementales, 29 mars 2011
Note GV : certaines cartes ne sont plus à jour, voir le texte du rapport préliminaire plus bas !
La page perso de Michel Séranne, géologue à Géosciences Montpellier
Note GV : ce géologue ne fait pas mystère de ses positions productivistes. Cette mention pointe des présentations effectuées en collaboration notamment avec Séverin Pistre, hydrogéologue responsable du parcours eau littoral au sein du master sciences de l’eau à l’UM2 Montpellier et nettement plus objectif et lucide !
Voir : Gaz de schistes, les questions qui se posent – contributions au débat sur l’exploration pétrolière dans le sud de la France, Nicolas Arnaud, Michel Seranne, Séverin Pistre, rapport préliminaire de la journée d’étude du 29 janvier 2011.
Résumé de la technique fracturation hydraulique, Document québécois, TV5 Monde, mars 2011
Note GV : un must !
Le gaz de schiste : géologie, exploitation, avantages et inconvénients, Pierre Thomas
Laboratoire de Géologie de Lyon, ENS Lyon, 06 avril 2011
CHEMICALS USED IN HYDRAULIC FRACTURING, rapport à la Chambre des représentants US, 18 avril 2011, en anglais, mais les termes scientifiques n’en sont pas affectés.
De la fracturation hydraulique, Collectif 07, juin 2011
Notions simplifiées sur la nature des réservoirs pétroliers conventionnels et
non-conventionnels, Collectif 07, non daté
Gaz de schiste: un carburant très controversé, AFP 10 juillet 2012
A l’occasion de la QPC introduite par Schuepbach Energy LLC contre les articles 1 et 3 de la loi du 13 juillet 2011 le mémoire en intervention volontaire de citoyens et d’associations représentés par Me Christophe Leguevaques et co. synthétise très bien les impacts négatifs de la fracturation
Gaz de Schiste : Santé publique et nuisances, ASPN Paca*, Sandy Cassan-Barnel, 18 septembre 2015
* : Association Pour la Sauvegarde du Patrimoine Naturel-Provence-Alpes-Côte d’Azur
L’extraction des hydrocarbures de schiste, Science-po controverses, non daté
Note GV : un must !
L’article Fracturation hydraulique, sur Wikipédia est de la bonne vulgarisation