Fin de l’exploration sur l’ile d’Anticosti, mais à quel prix ?

Le ministère des Énergies et des ressources naturelles du Québec vient d’annoncer la soustraction définitive de l’île d’Anticosti à l’exploration et à l’exploitation pétrolière et gazière. Cette annonce rappelle celle de notre ministre Nicolas Hulot du 6 juillet dernier de vouloir légiférer afin de pouvoir ne plus délivrer de permis d’exploration d’hydrocarbures mais surtout de « négocier ». Encore un arbre qui cache une forêt ; la réalité est plus sombre.

Mise à jour le 11 août 2017

Anticosti au milieu du golfe du Saint Laurent est un joyau, ces dernières années elle n’en a pas moins été livrée à l’exploration d’hydrocarbures et de nombreux forages ont été réalisés. En début d’année 2017 le processus conduisant à son inscription au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco a été entamé excluant de fait la concomitance avec les recherches et a fortiori l’exploitation d’hydrocarbures.

Le communiqué du 27 juillet 2017 du ministre Arcand mentionne des « ententes » : « À la suite de la conclusion de ces ententes, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles a pris, en vertu de la Loi sur les mines (RLRQ, chapitre M‑13.1), un arrêté ministériel visant à soustraire définitivement l’ensemble du territoire de l’île d’Anticosti à l’exploration et à l’exploitation pétrolière et gazière.« .

Qu’y a t-il derrière cette communication habile mais pour le moins amère pour la population locale ?
Le communiqué du 28 juillet dernier du Regroupement vigilance hydrocarbures Québec, RVHQ, est clair à ce sujet ; « En s’appuyant sur la candidature de l’île d’Anticosti au patrimoine mondial de l’UNESCO pour justifier le retrait des permis, plutôt que de confronter les partenaires à la non viabilité commerciale de ce projet, le gouvernement Couillard s’est donné un prétexte pour « compenser » un manque à gagner imaginaire, a déploré Carole Dupuis. Et c’est encore une fois la population du Québec qui va payer cette subvention déguisée à des compagnies dont elle ne veut pas sur son territoire.« .

Analyse confirmé par l’article du blog du Dr Marc Durand (photo ci-dessus à droite) de l’Université du Québec à Montréal dont nous citons ici l’extrait le plus important :
« …la véritable raison de la fin de cette aventure en cul-de-sac reste volontairement gardée dans l’ombre. On a pas voulu utiliser l’élément essentiel dans ce dossier : le fait que l’exploitation du pétrole n’avait aucune possibilité d’être rentable« .
Le Docteur-Ingénieur en géologie appliquée et géotechnique (en retraite) Marc Durand dénonce en les démontrant depuis 2010 les mensonges de l’industrie et la collusion des institutions.

Deux ans plus tôt Pierre Arcand a présenté le projet de loi n°106 concernant la mise en œuvre de la Politique énergétique 2030 et modifiant diverses dispositions législatives. Ce texte est entré en vigueur le 10 décembre 2016. Il a sensiblement modifié l’équivalent de notre code minier vers une tendance projet « Tuot » commandé par Arnaud Montebourg. Présenté le 10 décembre 2013, ce projet de code n’a pas franchi en l’état le conseil des ministres, ouf ! La « petite loi n°890 » votée par l’Assemblée nationale le 25 janvier 2017 s’en inspire partiellement. Cette loi québécoise a modifié de nombreux textes qui sont maintenant extrêmement favorables aux industriels. Il définit notamment l’emploi de la fracturation hydrochimique, autorise la commercialisation des licences d’exploration attribuées, renforce les droits miniers par l’expropriation, etc.

Voir une lecture militante objective de ces 80 pages de projet de loi sur le Blog de J-P. Martel.
Surtout le commentaire audio de Richard E. Langelier, Docteur en droit, juriste et sociologue, du collectif scientifique sur la question du gaz de schiste au Québec, sur YouTube.

 

Cette communication québecoise rappelle l’annonce du 4 octobre 2011 de Nicolas Sarkozy à Alès, Gard à l’occasion du classement des Causses et Cévennes à ce même patrimoine ; « Je veux saisir l’occasion qui m’est donnée, pour vous confirmer qu’il n’y aura pas d’exploitation de gaz de schiste par fracturation hydraulique dans ce territoire d’exception. Les trois permis de recherche de gaz de schiste qui concernaient votre région seront donc abrogés… C’est clair et c’est définitif. »

Définitif… le permis de Montélimar menace toujours nos territoires, voir ici. Que ne classons nous pas la totalité du territoire français, à commencer par mon jardin ???

Le 6 juillet dernier Nicolas Hulot a aussi annoncé des « négociations »… que comprendre, alors que nous constatons l’absence de nombreux permis sur la liste officielle du site ministériel par rapport aux dernières informations publiques de 2015, voir ici ? Et surtout que l’article 58 du décret n°2006-648 du 2 juin 2006 empêche la publication des arrêtés rejetant les demandes d’octroi, de prolongation, de mutation, etc. relatives aux permis !!! Dès lors comment savoir si une ou plusieurs  demande(s) de prolongation d’un ou plusieurs de ces permis absents de la liste actuelle a/ont été rejetée(s) entrainant la fin de validité de ce(s) titre(s) minier(s) ? Transparence ??

Les processus d’octroi des permis d’exploration au Québec et en France sont différents, voir ici.
La province canadienne octroie des permis sur le principe largement présent ailleurs dans le monde, de l’appel à soumission sur des blocs et moyennant des royalties annuelles tandis que la France accorde ces autorisations d’exploration contre un engagement de dépenses correspondant à un programme de recherches.
Le Québec peut donc plus facilement « négocier » le retrait des droits accordés via des compensations pécuniaires. Notre compréhension des textes nous indique que la France doit d’abord appliquer l’article L. 173-5 du code minier et éventuellement dédommager l’explorateur des dépenses engagées. C’est le sens de la décision du 11 mars 2016 (audience du 29 janvier) du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise déboutant Schuepbach Energy SLC de sa demande d’indemnisation voir ici, car l’explorateur n’avait pas engagé son programme de travaux.

C’est par contre ce qui pourrait se passer pour le permis du Bassin d’Alès, 07 et 30 où Mouvoil SA et son partenaire ont engagé les frais de la déclaration d’ouverture de travaux miniers « sismique réflexion » mi-2012. Dans cet exemple, l’explorateur arguera certainement de sa pleine bonne foi en démontrant qu’il a été empêché de conduire son programme de travaux par la mobilisation citoyenne et des élus, eux aussi de très bonne foi ! La légalité vs la moralité et l’intérêt général, refrain connu…
Pour d’autres permis où des forages ont eu lieu la situation sera encore plus compliquée.

Mais surtout il serait paradoxal que de l’argent public abonde les caisses de certains pétroliers qui s’empresseront alors d’aller explorer ailleurs et/ou de verser des dividendes. Comme nous l’avions martelé en septembre 2012 lorsque qu’avec d’autres camarades, nous avions été reçus par deux conseillers de Delphine Batho ; « Pas un euro d’argent public ne doit aller aux pétroliers ni à la recherche de techniques alternatives à la fracturation hydrochimique« . Ce dernier sujet était alors fortement d’actualité.

Nous exigeons la totale transparence sur ces sujets.

Mise à jour le 11 août 2017

Anticosti: Québec verse 20,5 millions à Pétrolia, Le Devoir, Québec Canada, 11 août 2017
« Le dossier sur les travaux d’exploration d’hydrocarbures sur l’île d’Anticosti touche à sa fin : le gouvernement du Québec s’est finalement entendu avec Pétrolia, dernier gros joueur sur le terrain. L’entreprise recevra une compensation financière de 20,5 millions en raison de l’abandon des activités sur l’île… »

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