L’agressivité d’Ineos relative à la mise en œuvre de sa démarche exploratoire sur ses permis de recherche de « gaz de schiste » en Grande-Bretagne inquiète les propriétaires terriens. Le géant de la pétrochimie plastique argue des droits impératifs que lui confère la loi britannique sur l’accès aux ressources minérales du sous-sol pour obtenir l’accès à des parcelles afin d’installer des plateformes de forage et de fracturation.
Traduction libre par nos soins de l’article
Landowners fear being liable for damage caused by fracking – Laura Hughes, The Financial Times 29 novembre 2018
Les propriétaires fonciers craignent d’être tenus responsables des dommages causés par la fracturation – Laura Hughes, The Financial Times 29 novembre 2018
L’exploration de gaz de schiste pourrait donner lieu à des poursuites pour dommages environnementaux
Au bord du Yorkshire Wolds, dans le nord de l’Angleterre, Kenelm Storey regarde les collines du domaine de sa famille à Settrington. Son histoire pèse lourdement sur ses épaules, mais c’est son avenir à long terme qui le préoccupe aujourd’hui, car il jure d’arrêter les desseins de fracturation sur ses terres.
Ineos, la société pétrochimique et le titulaire du plus grand nombre de permis d’exploration de « schiste » en Grande-Bretagne, a demandé à conduire une campagne d’acquisition de données géophysiques du sous-sol par sismique-vibration sur son domaine.
Cela pourrait amener la société à demander l’autorisation de procéder à des fracturations hydrauliques – injection d’eau, de sable et de produits chimiques à haute pression – pour ouvrir des fissures dans la roche afin d’extraire du pétrole ou du gaz naturel.
M. Storey, Président de la section locale « Thirsk et Malton » du parti Conservateur, a confié au Financial Times qu’il était «extrêmement inquiet» des conséquences d’une autorisation de fracturation sur ses terres en raison de la responsabilité résiduelle de tout dommage environnemental résultant de puits de gaz de schiste abandonnés, dans les années après l’expiration du permis d’Ineos.
+Ineos menace le National Trust* de poursuites judiciaires+
Mais il n’a peut-être pas le choix. Ineos, qui appartient à Jim Ratcliffe, l’homme le plus riche du Royaume-Uni, a affirmé qu’il avait «une obligation légale d’explorer les gisements de gaz de schiste dans certaines régions du pays». Car si les individus possèdent des terres, les ressources naturelles souterraines appartiennent à la Couronne.
Plus tôt cette année, Ineos avait annoncé qu’il ferait comparaître le National Trust devant un tribunal pour son refus d’accorder l’accès à des terres à Clumber Park, dans le Nottinghamshire. M. Storey s’inquiète du fait qu’en s’attaquant à cet organisme public avec une telle visibilité, la société a montré qu’elle était prête à engager des poursuites judiciaires si les propriétaires fonciers refusaient l’accès.
Des études géologiques ont révélé la présence de gaz non exploité dans les Midlands et le nord de l’Angleterre. L’industrie et les ministres ont fait valoir que le gaz de schiste produirait une nouvelle source d’énergie indigène cruciale pour la nation.
Les premiers volumes de gaz de schiste du Royaume-Uni ont été obtenus plus tôt ce mois-ci, lors de l’activité de fracturation de Cuadrilla dans le Lancashire. Mais ses opérations, ainsi que d’autres, ont été longtemps retardées par des préoccupations environnementales et une opposition politique.
Les entreprises de fracturation peuvent également utiliser la loi de 1966 sur les mines pour rechercher des droits d’accès auxiliaires à la terre. Les explorateurs devraient prouver que l’accès au sous-sol est «opportun dans l’intérêt national» et que le propriétaire foncier «refuse déraisonnablement» d’en permettre l’accès.
Même si M. Storey gagne une bataille juridique, il ne pourra pas arrêter la fracturation horizontale sous son domaine – avec le même risque de pollution des eaux souterraines par la suite de puits abandonnés – si un voisin parvient à un accord. « Tous les propriétaires fonciers de tous types et de toutes tailles seraient bien inspirés de résister aux fanfaronnades de ceux qui veulent briser, notamment parce qu’une telle résistance renforcerait leurs arguments en faveur de la violation des droits de l’homme », a-t-il déclaré.
Ineos n’a pas répondu aux demandes de commentaires. Mais Ken Cronin, directeur général de UKOOG, le groupe commercial des producteurs de pétrole et de gaz terrestres britanniques, a toutefois tenté de dissiper les inquiétudes des propriétaires fonciers. «Si la géologie est appropriée et qu’un propriétaire foncier choisit de nous louer son terrain aux fins d’exploration, à nos conditions de licence réglementées par l’Autorité du pétrole et du gaz, chaque opérateur doit s’assurer qu’il est correctement assuré,» a t-il déclaré.
«Cela doit couvrir les responsabilités vis-à-vis des tiers, la perte de contrôle des puits et les responsabilités environnementales. De la mise en service d’un puits à sa mise hors service, c’est de la responsabilité de l’exploitant.»
M. Storey n’est toujours pas convaincu. «[UKOOG] n’a toujours pas été en mesure d’apaiser notre préoccupation parfaitement raisonnable quant à la responsabilité résiduelle de tout puits sur nos terres une fois le permis expiré et que le puits n’est plus utilisé», a t-il déclaré.
+Le gouvernement devrait-il être assureur en dernier recours ?+
En mars dernier, il a écrit aux ministres pour inviter le gouvernement à se porter assureur de dernier recours. «Si le gouvernement est tellement convaincu qu’il dispose d’une réglementation d’excellence et qu’il s’agit d’un processus sûr, pourquoi ne le défend-il pas en tant qu’assureur de dernier recours sans limite de temps ?».
Le ministère du commerce a déclaré que le gouvernement « a toujours été clair sur le fait qu’il s’attendait à ce que les titulaires de licence couvrent toutes les obligations résiduelles des sites ».
Christopher Price, directeur des politiques à la Country Land & Business Association (CLA), qui représente les propriétaires de domaines et d’entreprises rurales, a déclaré : «Si la fracturation doit se poursuivre, le gouvernement et l’industrie de la fracturation doivent trouver entre eux un moyen de garantir entièrement cette technique. Il est tout simplement faux de dire que les propriétaires fonciers doivent s’attendre à devoir gérer leur responsabilité résiduelle en la matière.»
Les ministres se consultent actuellement sur la question de savoir si les travaux d’exploration tels que les relevés sismiques et les forages d’essai suivis de fracturation doivent être traités comme des «aménagements autorisés» en Angleterre, ce qui supprimerai la nécessité d’obtenir l’approbation pour la planification de ces opérations.
+Les députés conservateurs envisagent de se rebeller+
Des députés conservateurs ont déclaré au Financial Times qu’au moins 20 députés de l’arrière du parti étaient prêts à «détruire la majorité du gouvernement» si le gouvernement cherchait à faire adopter la proposition ci-dessu par le Parlement, craignant que cette décision ne coûte des voix.
Ineos est également titulaire de la licence du domaine Castle Howard, la célèbre demeure seigneuriale du Yorkshire, appartenant à Nick Howard. Il s’est enquis des produits d’assurance couvrant la responsabilité résiduelle.
Lycetts, un courtier d’assurances en milieu rural, lui a déclaré : «Il faut faire preuve de prudence dans l’autorisation des opérations de fracturation jusqu’à ce que les garde-fou des pouvoirs publics ou de l’industrie soient mis en place. Dans l’état actuel des choses, il n’y a pas de filet de sécurité pour les propriétaires fonciers.»
Ineos n’a fait aucune proposition officielle à M. Howard, mais d’un point de vue assurantiel, il semble que ce ne soit pas « une base de négociation », a déclaré M. Howard. « Je pense qu’il est important de noter que cela affectera toutes les personnes sur les terres desquelles cela se produira. Par conséquent, plus la propriété est petite, plus les éventuelles conséquences seront ruineuses. »
* Un établissement public britannique gérant les monuments historiques ainsi que les sites naturels remarquables.