Loi Hulot, le ministère publie les rapports prévus par l’art.6. Déjà vu…

Le ministère de la TES, en charge de l’énergie et co-charge des matières minérales énergétiques a rendu public hier soir vendredi 29 juin 2018, soit le dernier jour ouvrable avant l’expiration du délai légal des 6 mois après publication de la loi Hulot, les rapports des titulaires de permis et concessionnaires « démontrant l’absence de recours aux techniques interdites« . Voir le pied de la page Ressources en hydrocarbures de la France.

Le système déclaratif déjà mis en œuvre par l’article 3 de la loi Jacob du 13 juillet 2011 se répète. Qu’en est-il des autres techniques de récupération avancée des hydrocarbures, dites EOR, injectant à des pressions -certes moindres que la fracturation hydrochimique- des cocktails chimiques favorisant la désorption des hydrocarbures dans les réservoirs « conventionnels » via la multiplications de doublets puits injecteur/récupérateur ?
Certains opérateurs à la surface financière confortable en font une opération de promotion, voir Les sages sous influence
D’autres tentent de masquer l’échec de leur démarche exploratoire.

Fin 2017, des non renouvellements nous semblaient évidents…

Comme celui du permis La Folie de Paris.
En effet le premier titulaire, Renouveau Energie Ressources, -éphémère structure spéculative- n’a pas respecté son engagement financier en n’effectuant aucune activité de recherche… Le second titulaire, Concorde Énergie Paris, est une coquille vide reprise par La Française de l’Énergie*. La mutation en octobre 2014 nous semble plus respecter des intérêts privés que ceux de l’État. La deuxième prolongation sur l’unique base d’ « …Une étude de carottes du Dogger a été entreprise en mai 2012, sur 24 puits situés sur et à proximité du permis de La Folie de Paris…. » montre l’extrême avantage que tirent des spéculateurs peu soucieux, de l’actuelle rédaction du code minier et textes associés. Dispositions légales et réglementaires qui leurs sont hélas, très favorables au détriment de la souveraineté française ainsi que de l’intérêt direct des territoires et populations concernés.
Octroi : arrêté du 23 juillet 2008, JO du 8 août.
Prolongation 1 et mutation : arrêté du 10 octobre 2014, JO du 22.
Prolongation 2 : arrêté du 31 janvier 2018, JO du 4 février.
* Concorde énergie Paris est bien immatriculée en Moselle à la même adresse que LFDE, mais sans docs de surveillance, ni kbis disponibles…

Le cas du permis Forcelles -confetti d’une vingtaine de km2- octroyé sur l’emprise exacte de l’ancienne concession est, pour d’autres raisons, aussi emblématique d’une « politique » ouverte d’appel à demandes de permis et donc d’octroi dans des conditions mettant ouvertement l’État en difficulté. L’exploration sur ce permis tourne au fiasco annoncé, le titulaire ne pouvant pas accéder aux roches-mères et les réservoirs ayant été essorés ! Hélas… il a aussi été récemment renouvelé par l’arrêté du 31 janvier 2018.

mais concernant les rejets de demandes de prolongation/mutation, à ce jour nous n’en avons connaissance que de quatre et des doutes sur un autre. Si l’administration centrale en charge des ressources minérales énergétiques, après réorganisation récente, semble à nouveau en ordre de marche et donne très récemment des signes d’ouverture ainsi que de communication, la transparence pourtant proclamée par la Convention d’Aarhus, est encore… loin ! Surtout sur les décisions de rejet. Le scélérat article 58 du décret 2006-648… qui en ne prévoyant pas la publication au JO des décisions de rejet, dessert maintenant l’esprit de la loi Hulot ! Quand l’exécutif va t-il le modifier ? Et s’il ne le fait pas, malgré de nombreux appels de tous bords, pourquoi ?

 

Alors que la première version du projet de loi « hydrocarbures » PDL155, voir extrait ci-dessous, sanctuarisait notamment les formations géologiques dites « roche mère » -malgré une rédaction maladroite concernant le gaz de couche- les « contributions extérieures » d’entreprises pétrogazières opérant en France ainsi que leurs soutiens, adressées au Conseil d’État lors de l’élaboration de l’avis des sages du Palais Royal, ont réorienté ce projet ambitieux vers une resucée de la disposition de juillet 2011. Laquelle avait déjà hélas été préférée, sous la pression des lobbies, à d’autres approches plus définitives. Voir les amendements Gatignol et Biver au texte de 2011.

Article 1er
I. – Le code minier est ainsi modifié :
1° Au 1° de l’article L. 111-1, après les mots : « du lignite », sont insérés les mots : « du gaz de mine » ;
2° Le chapitre IER du titre IER du livre IER est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Dispositions propres aux hydrocarbures liquides ou gazeux
« Art. L. 111-4. – La recherche, l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures sont régies par les dispositions du livre VII. » ;
3° Après le livre VI, il est inséré un livre VII ainsi rédigé : « LIVRE VII
« REGIME DES HYDROCARBURES LIQUIDES OU GAZEUX
« TITRE I ER « CHAMP D’APPLICATION
« CHAPITRE I ER
« DÉFINITIONS
« Art. L. 711-1. – Sont considérés comme hydrocarbures non conventionnels :
« 1° Les hydrocarbures liquides ou gazeux qui sont piégés dans la roche-mère, à l’exception des hydrocarbures gazeux contenus dans les couches de charbon ;
« 2° Les hydrates de méthane enfouis dans les mers ou sous le pergélisol.

« CHAPITRE II
« DISPOSITIONS GÉNÉRALES
« Art. L. 712-1. – L’exploration et l’exploitation, par quelque technique que ce soit, des hydrocarbures non conventionnels, sont interdites sur le territoire national, dans la zone économique exclusive et sur le plateau continental.
« Art. L. 712-2. – L’exploration des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux est interdite sur le territoire national, dans la zone économique exclusive et sur le plateau continental.
« Art. L. 712-3. – L’octroi de nouvelles concessions d’hydrocarbures liquides ou gazeux est interdit sur le territoire national, dans la zone économique exclusive et sur le plateau continental, sous réserve des dispositions de l’article L. 132-6.
« Art. L. 712-4. – La prolongation des concessions de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux est interdite sur le territoire national, dans la zone économique exclusive et sur le plateau continental.
« Art. L. 712-5. – Les dispositions du présent chapitre ne s’appliquent pas au gaz de mine qui est un gaz issu des veines de charbon dont la récupération se fait sans intervention autre que celle rendue nécessaire par l’aspiration de ce gaz des vides miniers afin de maintenir ceux-ci en dépression.
« Art. L. 712-6. – Lorsque les dispositions du présent chapitre ne trouvent pas à s’appliquer, les permis exclusifs de recherches et les concessions restent régis par les dispositions du livre IER. »

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Le projet présenté au CNTE du 23 août 2017 PDL_hydrocarbures_pdlCNTE_20170823
Le projet « sorti » du CE et transmis à l’AN le 6 septembre 2017 PDL_hydrocarbures_n155_20170906

 

Si le toujours possible retour de la fracturation hydrochimique en France demeure conditionné à la loi du marché, au niveau de la demande intérieure notamment en carburants pour toute sortes d’usages de moteurs thermiques et à une alternance politique très décomplexée, ces rapports confortent aujourd’hui à moyen et long terme les actuels opérateurs de titres miniers d’hydrocarbures.

Par ailleurs nous rappelons ici que nombre de demandes initiales ayant vu leurs décisions de rejet implicite confirmées par lettres Hulot/Lemaire du 31 janvier 2018 font toujours l’objet de procédures juridiques antérieures, sur lesquelles ces courriers ne respectant pas l’article 3 du décret 2006-648 pourraient n’avoir que peu d’effet. Ces instances, in fine, pourraient contraindre l’État à délivrer de nouveaux permis par des décisions passées en force de chose jugée… Ce procédé issu de recommandations du rapport Délais d’instruction des demandes… de juillet 2015 a déjà été employé par la prédécesseure de N. Hulot sous sa seule signature, introduisant ainsi une faiblesse de forme à ses lettres.

Pourquoi sous la présidence hollandienne le Gouvernement Valls n’a t-il pas conduit la proposition de réforme du code minier initiée par Sabine Buis puis récupérée par Bruno Le Roux fin 2016 et ayant abouti à la petite loi n°890 début 2017, vers notamment une disposition permettant de réformer la procédure d’instruction et de prononcer, avec une bien meilleure sécurité juridique qu’actuellement, des rejets… définitifs ? C’était pourtant aussi une des recommandations (phare ?) du rapport ci-dessus.

Pourquoi plus de sept années après l’Ordonnance Besson de début 2011, et le rapport Gossement d’octobre 2011, l’actuel code minier et son texte d’application ad hoc le décret n°2006-648 du 2 juin 2006 sont-ils toujours aussi insolemment favorables aux pétitionnaires, titulaires et concessionnaires ? Citons ici le chef du BRESS dans sa communication du 29 juin… hier !

Pour la liste simple, nous avons été confronté au cas juridique d’un permis dont la date est échue : logiquement nous devrions la retirer de la liste, sauf que si l’industriel a déposé une demande de prolongation du titre… il a droit de continuer ses travaux, c’est comme si le permis était prolongé automatiquement dans l’attente de l’instruction de sa demande.

Comme le résumait en 2014, le chargé de mission, éphémère successeur de l’ingénieur géologue pétrolier « historique » du prédécesseur du BRESS, le BEPH :

En France on peut forer sans titre…

Cela pourrait bien arriver après demain en Béarn, sur le permis de Claracq.

N. Hulot relativise déjà ces éventualités en les réduisant à quelques goutes de pétrole et molécules de gaz… Mais il nous semble surtout qu’il convient de remonter d’un ou deux niveaux de décision afin d’identifier les points bloquants n’ayant pas permis une meilleure application d’une disposition législative ambitieuse, voir ici. Laquelle ne « tient » pour l’instant devant l’opinion publique, uniquement par l’endiguement de ces (très ?) nombreuses procédures aux trois niveaux de la juridiction administrative. Combien de temps avant le premier permis de recherches issu d’une des 42 demandes annoncées rejetées dans le communiqué du 1er février dernier ? Voire d’une de celles aussi rejetées par sa prédécesseure ? N. Hulot sera t-il toujours à Roquelaure ?
Nous espérons voir aujourd’hui le verre à moitié vide et que l’avenir nous donnera tord !

 

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